Avez-vous déjà observé l’organisation d’une ruche?

Des milliards de mouvements qui, chacun a une fonction précise .

Les ouvrières qui ont des titres différents (nourrices, gardiennes, ventileuses ect…)  œuvrent pour leur survie sans relâche, travaillant perpétuellement.

La foule qui gravite autour d’un marché me fait penser à cela.

Tous ont une place déterminée, un but, une tâche à accomplir.

Nos samedis matin étaient consacrés aux emplettes.

Un instant privilégié où maman m’offrait quelques pièces à dépenser.

Un pull acheté, un stylo à encre pailleté, des jouets à la mode comme la totoche de l’époque, les babies…  que de babioles qui alimentaient chaque semaine un peu plus ma malle à jouet en bois.

Cette malle faite par les mains puissantes et créatives de mon grand-père Finlandais Aulis surnommé Uki, à longtemps était une malle au trésor.

Les jouets empilés les uns sur les autres se perdaient dans un fond sans fin, un véritable melting-pot de jouets!

Qu’il était si délicieux d’y plonger sa petite main et d’en déterrer des merveilles oubliées.

Quelle idée malicieuse d’avoir élaboré cela pour moi. Kiitos Uki (merci Uki).

Aujourd’hui cette malle abrite une richesse qui a évolué avec mon âge, des photos par milliers de notre famille.

Mais revenons à notre marché Aixois.

Aix ville qui m’aura vu naître et grandir.

Il s’agit d’une ville étudiante qui bouge, vit.

Elle est dynamique et pleine de charme.

Ses nombreuses fontaines dont celle de la rotonde, emblématique, imposante avec ses têtes de lions qui semblent en être les gardiens.

Cette allée de platanes ou le vol des hirondelles au printemps est si doux à observer et à entendre.

Au détour de ruelles, de grands jardins où l’on ne distingue que la cime des arbres, tant les murs et les portillons qui l’entourent sont haut.

Laissant libre court à mon imagination de petite fille, je me demandais souvent que pouvait-il y avoir de si spécial derrière ces forteresses de pierre et d’acier?

Si seulement je pouvais être plus grande ou escalader.

Désespérément à la recherche d’une fissure ou d’un trou je cherchais à voir.

Le pas pressant de maman détournait souvent mon imagination et me ramenait à la réalité. Il ne fallait pas la perdre de vue dans cette nuée humaine.

Composé d’une quantité extravagante de boutiques en tout genre, le cours Mirabeau et ses environs se dessinaient sous mes yeux d’enfants.

Celle que nous affectionnions avec maman était celle située en face de la fontaine du Roi René. D’ailleurs notre périple commençait toujours par cette boutique. Lorsque les portes coulissantes s’ouvraient une odeur d’encre, de papier se déposait agréablement sur nos muqueuses olfactives activant notre créativité.

Maman à la recherche de nouveaux pastels pour ses dessins de nature morte. Et moi d’un pas sautillant, à la quête de nouveaux gadgets ou stylos pour épater mes copines de classe. Plus tard pour me faire remarquer des garçons en essayant d’exceller en art plastique, au collège. Technique qui n’a pas fait ses preuves!

Maman avait toujours la magie de noël en elle. Elle achetait de nombreuses fournitures pour nous occuper les week-end et nous mettre à contribution pour agrémenter peu à peu la maison de couleurs vives et de paillettes, chassant la grisaille du mois de Novembre de notre foyer.

Une fois la papeterie visitée nous nous rendions sur le marché.

Agard dont le nom est célèbre historiquement, était un passage nous y amenant. Il révélait deux mondes aux antipodes.

Entre richesse et pauvreté mon cœur se disloquait. Parfois une de mes pièces finissaient dans la corbeille d’un inconnu. Me saluant de sa main ivre de bonheur un chien à ses côtés, il semblait se réanimer comme un automate.

La brocante n’était que la surface visible de l’iceberg! Nous n’y passions pas beaucoup de temps. Ma mère ni moi même n’étions à l’époque attirées par cela. Aujourd’hui j’y passerai des heures et des heures quand on pense que ces objets ont eu une vie bien remplies.  Qu’ont-ils pu voir, entendre depuis des décennies parfois? S’ils avaient une parole que nous enseigneraient-ils?

Des collectionneurs amateurs et d’autres à l’œil aguerrit s’y aventuraient. Les affaires se marchandaient, parfois des querelles éclataient entre vendeur et clients restant toujours bon enfant cela se finissait par une tape amicale dans le dos ou une poignée de mains serrée qui concluait et l’affaire et la querelle.

Beaucoup plus loin je revois, le poissonnier en face de ce café! Il avait constamment hivers comme été cette prestance avec un tablier blanc et des bottes en caoutchouc. Il brandissait sa plus belle pièce et, de sa voix imposante il accaparait tout l’espace auditif de la placette! Il avait toujours un commentaire amusant et une gestuelle cocasse qui égayait, je suis sure le plus aigri des passants.

Et cette serveuse aux allures de ballerine. Tête hautes aux formes avantageuses, aussi agile qu’un félin passant de table en table avec un plateau. Sourire relevé par un rouge écalant servait inlassablement sa clientèle toujours plus exigeantes au fil des ans. Elle avait une élégance que j’admirai.

Je me demande souvent que sont devenus ces personnes qui sans le vouloir ont laissé une trace dans mon cœur et mon esprit?

Sur ce marché il y a tellement de chose à voir entendre toucher et sentir.

Je me rappelle de l’odeur alléchante de la rôtisserie qui diffusait un parfum de viande blanche cuite à point. Se diffusant dans les ruelles autour de la place, elle attirait parfois des chats de gouttière. Ces petites créatures avaient toute la place dans mon cœur. Avec des petites pattes de velours faisant leur toilette devant le déferlement de talons aiguilles et de mocassins cirés. Ils attendaient patiemment qu’une âme charitable leur fasse l’aumône.

Leur regard perçant, débordant de sagesse et d’intelligence me fascinaient. Parfois l’un d’entre eux, plus téméraire s’aventurait au pied du vendeur qui le chassait immédiatement par un « pchiiiit » lancé en postillonnant ce qui en moi provoquait colère et frustration de ne pouvoir intervenir.

Les stands agencés comme des alvéoles, nous butinions passant d’un à l’autre savourant chaque instant.

Petit à petit nous nous dirigions vers la place de l’hôtel de ville.

Le regard et le cœur ouvert à tant de beauté, le fameux marché aux fleurs s’étendait à perte de vue.  Donnant le la à toute une composition de couleurs qui au fil des saisons évoluait.

En vue de clôturer cette promenade saturnale, maman s’offrait un bouquet pour la semaine.

Lorsque maman choisissait les Lys j’étais aux anges. Leur forme en étoile, leur façon de s’épanouir tout au long de la semaine et ce dégradé de couleurs m’enchantait.

Il n’était pas rare que sur le chemin du retour, dans notre petite clio couleur rouge vermeil, leur parfum me fasse éternuer.

Les divers bouquets que nous ramenions apportaient cette touche de fraicheur et de gaité à la maison jusqu’au marché suivant.

L’envie d’y retourner comme un pèlerinage et de savourer ces instants perdus étaient si irrésistible que je n’y ai échappé.

Avec ces quelques fleurs de Lys, je vous souhaite un agréable moment de lecture et de visionnage photo.

Avec tout mon amour

Tany